En ce premier weekend d’octobre a eu lieu à Bruxelles un événement bien particulier sur les arts numériques : les Transnomades. Existant depuis maintenant deux ans grâce à Transcultures, cette manifestation ou plutôt cette série d’événements se déroulant sur tout le weekend, met en avant, dans un cadre sobre et minimaliste, les différentes installations, compositions et mises en scène par des artistes. Il ne s’agit pas, comme l’art numérique pourrait y faire penser, d’une exposition d’œuvres artistiques comme des planches de dessin dessinées sur l’ordinateur ou encore d’une belle modélisation 3D, mais plutôt d’œuvres crées et générées via le codes et le réseau.
Ainsi pendant 3 jours, différents lieux d’expositions (quatre au total) sont ouverts gratuitement pour les visiteurs dans la commune de Saint-Gilles. Pour clôturer ce festival numérique, une remise de prix a lieu dans le cadre des Mobile Awards ayant pour but de récompenser certains artistes pour leur performance et leur installation. On y retrouve des noms venus du monde entier qui défendent et mettent en avant leur installation, chacune plus originale (ou plus étrange) les unes que les autres. Le but premier de ce festival, créé a l’occasion de la Quinzaine Numérique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, étant d’abord de faire partager des idées numériques et innovantes au travers des installations et non pas d’exposer des œuvres en dissimulant les moyens de fabrications. On se retrouve alors dans une ambiance de partage de connaissances et d’informations. Les gens, que ce soit des artistes, des visiteurs ou même des organisateurs, discutent, échangent leurs idées, leur point de vue sur telle ou telle installation. C’est à travers cette communication que j’ai pu prendre conscience de cette nouvelle conception artistique. En effet étant jeune étudiant, je suis encore peu sensibilisé aux nouvelles formes artistiques comme les arts numériques auxquelles ces Transnomades nous ont introduit.
Diversité des images connectées
Le premier espace d’exposition se situe à la Maison du Peuple sur le Parvis de Saint Gilles et ouvrait ses portes le vendredi soir aux alentours des 18h30. Le lieu s’est vite retrouvé rempli d’une multitude d’étudiants (dont les premières années d’art numérique) puis de simples particuliers à la fois curieux et intéressés par cette « nouvelle » tendance artistique. L’exposition tournait alors grâce à divers projecteurs qui affichaient sur de grands murs des programmes visuels et sonores. Ainsi il était possible de rester assis un long moment devant le même écran pour pouvoir admirer des centaines de différentes œuvres de divers artistes. Des mosaïques basiques aux reportages les plus actuels sur le numérique, en passant par le mouvement de formes géométriques dans le but de créer des illusions d’optique, il y en avait pour tous les goûts. Certains affichages étaient de simples clins d’œil qui mettaient en avant différents « bugs » de programmes, d’affichage ou de réseau et qui prêtaient à sourire. D’autres mettaient l’accent sur des sons pour réaliser des compositions. D’autres encore préféraient travailler sur le code et créaient des programmes qui généraient une composition à travers l’écran. Il n’est cependant pas évident de pouvoir citer un artiste ou ce qu’il a bien pu concevoir puisque chaque projecteur affichait les travaux et conceptions d’une dizaine d’artistes. Il y a par exemple le cas d’Anne Roquigny, curatrice des nouveaux médias, célèbre dans son domaine mais pour qui il m’est incapable de citer une de ses œuvres présentes lors de l’évènement. Cette exposition quoique déjà représentative des arts numériques, n’est pour autant qu’une prémice annonciatrice qui donne le ton pour la suite de l’évènement.
Quand l’art se mêle à l’interactivité
C’est en effet à la Maison des Cultures, toujours dans la commune de Saint Gilles que l’on retrouve le point fort des Transnomades. Du vendredi soir à partir de 19h jusqu’au dimanche en fin de soirée, elle s’est révélée être un lieu de spectacle où des installations plus complexes mais surtout beaucoup plus poussées, sont disposées. Il ne s’agit généralement, non plus d’un unique artiste, mais de toute une équipe de personnes partageant la même passion qu’est le numérique et qui conçoivent un projet basé sur une idée génératrice. Le concept de chacun est des plus original mais la grande majorité de toutes ces installations repose sur le principe de l’interactivité. Le visiteur n’est plus un simple spectateur mais devient également acteur de ses œuvres.
L’exemple le plus probant est la performance « SleepingBeauty » réalisé par Frédéric Deslias et Gaël L. avec laquelle le spectateur peut interagir directement avec une femme allongée dans une vitrine de verre fumé. La performeuse, Sandra Devaux peut recevoir alors, grâce aux mobiles, des messages sur sa page facebook, auxquels elle répondra d’une manière bien particulière. Le travail des artistes a alors été de révéler, à partir de programmes réalisés préalablement pour l’occasion, les émotions de cette femme. Ainsi l’ordinateur décèle son rythme cardiaque, la sueur sécrétée et ses différentes ondes cérébrales pour les traduire au moyen de codes. Il s’agit à mes yeux de l’installation la plus marquante car elle révèle, au grand public, à quel point la technologie est avancée vis-à-vis de l’homme, tellement avancée qu’elle est capable de « lire » à travers lui.
Lors de cette démonstration, une question bien particulière m’est venue à l’esprit ; ne serait-il pas dangereux pour l’homme de chercher à développer cette science ? Car même si elle peut apporter des réponses qu’aucune autre technologie n’est capable de donner, elle pourrait être détournée de son but premier et être utilisée, non plus comme une composition artistique, mais comme un outil au service d’une cause moins noble.
L’autre performance remarquable, qui a d’ailleurs était élue lors des Mobile Awards 2013, s’appelle WJ-S et permet de jouer avec des contenus en ligne. Le principe peut paraitre au premier abord des plus flous, mais prend tout son sens lors des démonstrations. A partir de différentes données récupérées sur les sites, moteurs de recherches, images, etc., l’artiste va composer une image dans laquelle ces différentes recherches se retrouveront. Ainsi, le moindre mot clef tapé dans la barre des recherches va instantanément modifier la composition en affichant divers éléments en rapport avec ce mot clef. Ce programme soulève le même problème que pour l’installation précédente. Si l’on est capable aujourd’hui de regrouper une multitude d’informations sur un thème précis, est-il possible d’en faire de même pour une personne ? La question donne certainement déjà la réponse, mais cela pose alors des questions d’ordre éthique.
Malgré toutes ces interrogations, on ne peut cependant pas mettre en cause les auteurs de ces installations qui sont avant tout de vrais artistes. Les Transnomades sont de fait une exposition présentant des œuvres en avance sur leur temps et qui s’inspirent d’abord d’une volonté artistique..
Jules Roby
ESA Saint-Luc – Arts Numériques 1